Vision de la toxicomanie
Pour les personnes fréquentant Zone Bleue, la consommation a été la solution de survie à un moment de l’histoire de la personne. La personne toxicomane «découvre» le produit mais surtout son effet. Cet effet justifie la recherche menant à retrouver un certain état et donc à revenir à la consommation. Le produit n’a pas seulement la fonction d’enlever la souffrance mais aussi de donner de la confiance en soi et du plaisir. La rencontre entre une phase difficile et l’utilisation d’un produit qui jusqu’alors était pris dans un contexte récréatif, peut faire basculer dans la dépendance et la personne perd petit à petit la maîtrise sur sa consommation.

Loin d’être une manière de se détruire, la consommation de produits psychoactifs est avant tout une manière de survivre. «Grâce à la drogue, tu n’es pas devenu cinglé et/ou tu ne t’es pas suicidé». Cette approche vise aussi à calmer la peur des usagers d’être jugés.

Nous remarquons que les comportements perçus par l’extérieur comme désinhibés, euphoriques, violents ou apathiques ne sont pas vécus de la même manière par le consommateur lui-même, qui peut expérimenter un état d’apaisement, de stabilité ou d’énergie. Les consommateurs/trices n’ont pas une réelle perception de leurs difficultés: il est très fréquent de rencontrer des attitudes de déni et/ou de banalisation. Certaines personnes ont été tellement habituées à la souffrance qu’elles ne voient plus que cela n’est pas "normal", qu’on pourrait vivre autrement et que les enfants pourraient grandir différemment de ce qu’elles-mêmes ont connu.

Un certain nombre de consommateurs/trices sont en difficulté face à des situations qui peuvent sembler banales : par exemple, ne pas oser clarifier le contrat et les horaires de travail jusqu’à ce que la personne quitte son emploi ou quelqu’un qui n’arrive pas à aller à la poste pour chercher les rappels jusqu’au point de se retrouver dans un marasme administratif.

Le produit peut aider la personne à dépasser ses limites, à calmer ce qu’elle ressent, à se contenir. Dans ce sens, nous considérons la consommation comme de l’automédication qui «soigne» et qui structure la personne.

En même temps, le produit enferme dans des schémas de consommation: «La préoccupation principale dans la phase de consommation active est de consommer: donc avoir le produit et pour avoir le produit, il faut avoir l’argent, le dealer, le matériel… Et il faut arriver à l’heure à la pharmacie pour avoir la méthadone, arriver à l’heure à ZB pour ramener le matériel d’injection et en prendre de nouveau (autrement il faut aller à l’autre but de la ville) chercher le produit (et parfois, il faut se déplacer à Lausanne ou à Berne)…». Le stress issu de la recherche et de la consommation du produit occupe toute la journée, il n’y a pas de place pour autre chose… Le quotidien des usagers de drogues est très étriqué.

Nous constatons que la consommation de produits illégaux est perçue et vécue avec beaucoup de honte. La société véhicule une image assez sombre de la toxicomanie, qui augmente les sentiments de honte et de culpabilité vécus par les consommateurs. Sentiments douloureux pour une personne fragile, qui utilisera le produit pour les calmer, les anesthésier ou les dépasser.

 
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